Avec son accord, je vous publie des extraits d'une lettre très touchante, et tellement vraie, que son professeur de français nous a écrite le jour des obsèques d'Owen :
"J'ai eu la chance d'avoir
avec Owen, une des plus belles relations pédagogiques qui soient. Comme les collègues l'ont
dit, Owen n'était pas l'élève au garde-à-vous, pas de courbettes, et « pas
question de m'avoir si on ne s'en donne pas un peu la peine !». Un garçon
vivant, qui à son âge était en recherche avec les adultes. Et je mettais la
barre très haut avec lui. Que ce soit en latin ou en français. J'aimais aller
chercher le challenger qu'il était et j'aimais le récompenser. Je me
souviens d'un devoir de latin « spécial
questions tordues », et à ses questions tordues à lui, je répondais par
des questions encore plus tordues. Il a hurlé de joie quand je lui ai rendu un
20/20. J'étais exigeant avec lui, je pensais que bien coaché rien ne lui
résisterait intellectuellement. Car il avait une façon bien à lui de poser les
choses, de tourner les problèmes et de vérifier si derrière la façade il y avait bien quelque chose qui en valait
la peine. Une intelligence de découvreur, parce qu'elle prenait parfois des
sentiers tortueux, risqués, qui n'aboutissaient pas toujours mais toujours
escarpés."
"Le jour du spectacle de
théâtre, il devait faire le récitant avec Jean-Guillaume dans une saynète où
Léa avait la vedette, « le spot sur le nez ». Il l'a fait avec brio
et sa complicité avec Jean-Gui a donné à la
prestation quelque-chose d'unique. Leur voix était forte et claire, ils
portaient le jeu et donnaient à Léa un cadre idéal pour la mettre en valeur,
ils jouaient au niveau exact de dérision, de sérieux et d'intensité. Un moment
extraordinaire pour moi. Juste avant,
Owen m'a bassiné avec des questions pas très utiles et m'a énervé, il m'avait
fait croire qu'il n'avait pas compris ce qu'il devait faire. Alors je jette
l'éponge, je fais des gestes et je vois juste en même temps son visage de
joueur de poker mettre fin au bluff, et m'adresser un sourire direct. Il
m'avait eu, et d'une certaine manière il avait gagné son jeu. Mais il n'en a
pas profité pour enfoncer le clou, pour voir jusqu'où aller comme l'auraient
fait beaucoup d'autres. Et je savais que je pouvais m'arrêter, que je n'avais
pas à renchérir. Je perdais volontiers ce petit bras de fer. Par son sourire, ni moqueur, ni satisfait il avait
mis fin à ce micro-conflit. C'est pourquoi j'étais sûr qu'au terme d'une année
de troisième nous aurions l'un pour l'autre l'estime réciproque qu'échangent
parfois les élèves et leurs profs. Non que je ne l'avais déjà, mais elle se
serait exprimée plus facilement."
"Deux textes d'Owen écrits
en cours de français ont été lus ce matin, et j'en retire une profonde fierté.
Et un profond bouleversement aussi. J'aime que le travail scolaire soit de
vrais moments de vie et pas seulement des trucs d'école. Je suis humblement
heureux que vous puissiez retrouver Owen, ne serait-ce qu'un peu dans ce voyage
psychédélique, qu'il a rédigé je me souviens un lundi matin un jour où peu
d'élèves étaient présents. Ce monde sans adultes est un vrai trip ! Je suis heureux de lui
avoir donné l'occasion de faire ce rêve rigolo pendant quelques minutes. Et je
crois que personne n'avait encore fait rimer « bombe atomique » et
«I'm sexy and I know it », dans l'histoire de la littérature, jamais."
"Tout le monde aimait Owen.
Tout le monde. Il nous éclaboussait de vitalité. Il n'avait d'indifférence pour
personne. Il n'était indifférent à personne. Je fais un vœu. Je fais le vœu que
pour tous ceux qui l'ont connu, pour tous ses camarades de son âge, pour tous
les adultes qui l'ont accompagné, nous qui sommes tous révoltés par la mort
d'Owen, je fais le vœu qu'il reste à jamais une étoile qui nous rappellera
toujours l'essentiel, ce qu'il nous disait à tous, tous les jours :
vivez ! Tous ceux qui l'ont connu ont
maintenant conscience d'être unis autour de lui. A la cérémonie, une
maman du club d'athlétisme a dit « veille sur nous Owen ». Je
ne crois pas aux anges, je préfère les étoiles de Saint-Exupéry."
Merci du fond du cœur pour ce témoignage.