Bientôt Noël, cette fête qui rappelle à tous le bonheur d'être entouré de sa famille et de ses proches est pour nous une torture supplémentaire, ajoutée  à celle que nous vivons chaque jour.

Bientôt un an et demi que tu nous as été brutalement et injustement arraché.

Ton dernier Noël parmi nous, il y a deux ans.

En ces moments de festivités, où tout le monde semble heureux, je m'interroge sur la femme qui t'a tué, Owen. Est-elle heureuse ?

Je me demande si elle aussi pense à toi tout le temps, et au mal qu'elle t'a fait, au mal qu'elle nous a tous fait ?

Je me demande si elle regrette son comportement et les propos qu'elle a tenus alors que toi tu gisais à ses pieds, dans le fossé, parmi les ronces.

Je me demande si, étant mère elle-même, elle mesure la douleur suffocante que nous ressentons de t'avoir perdu, les questions qui nous hantent face à l'absurdité de cet accident, et l'angoisse qui nous tenaille dans l'attente interminable d'un procès que nous espérons juste et impartial.

Je me demande si elle te parle, comme je le fais chaque jour, si elle te demande pardon tous les jours en se réveillant, comme chaque matin je te répète que je t'aime et que tu me manques.

Je me demande si chaque soir en se couchant elle repense à cet accident stupide qu'elle aurait pu éviter, comme, chaque soir, quand je tente de m'endormir, me reviennent sans cesse ces images choquantes de ton corps balancé tel un pantin sur sa voiture traîtresse.

Je me demande si comme ton Papa, rongé par le désespoir, des insomnies la maintiennent en éveil au milieu de la nuit, en proie à toutes sortes d'interrogations.

Je me demande si elle a saisi la portée de son geste sur ton frère et ta sœur, dont l'avenir est désormais déterminé par cette blessure vive, si elle peut imaginer l'ampleur de la cicatrice qu'ils porteront à jamais en eux, si elle mesure la défiance qu'ils ressentent face à l'avenir, aux adultes, à notre volonté de leur inculquer une ligne de conduite, quand ils constatent par eux-mêmes que leur vie, si précieuse soit-elle, peut être anéantie en une fraction de seconde par un adulte irrespectueux du code de la route, et ce, malgré toutes les précautions prises.

Je me demande si elle imagine tes grands-parents, à peine plus âgés qu'elle, devant faire face non seulement à la souffrance d'une perte contre nature, celle de leur petit-enfant, mais aussi, impuissants, à la douleur de voir leurs propres enfants ainsi dévastés.

Je me demande si elle a conscience des dégâts humains qu'elle a causés, irréparables, définitifs.